ce que vos yeux vairons

Mois : février, 2016

Le pouvoir d’un fleuve

Aussi ample qu’une mer infinie, ses bords se poussent vers l’horizon, ses rives, le lacet mince d’une ligne qui peine à contenir dos à dos vagues et nuages; oserai-je jamais m’y jeter ? Les dieux ne pousseront-ils pas la tête impudente du nageur malhabile que je suis sous ses flots, pour avoir osé oser ? Aller voir de l’autre côté et revenir. S’affranchir du scaphandre.

« La première moitié de ma vie »

Je me souhaite, sans ironie, la même destinée que celle d’un empereur-jardinier, et pouvoir accoler d’un tiret, à mon premier pan de vie, celui si désiré, de jardinier. Cultiver littéralement mon jardin.

Le scion

Derrière les volets, un soleil impatient comme une jeune jument. Je m’ouvre à la journée, avec l’envie de m’enraciner, comme on plante un arbre. Qu’il porte longtemps des fruits dorés.

Perpétuer

L’étrange vocable

Qui ne dit pas

L’irrévocable.

Miroir malpoli

Aimer l’histoire pour ne pas aimer les gens. L’histoire, le cimetière des vivants, la distance nécessaire, une frontière infranchissable. L’impossible retour en arrière, qui les met de l’autre côté de moi. Pour me rapprocher d’eux, je les enferme dans mes histoires. Ma séquestre inavouée.

18h15, le ciel

Le jour tuile la nuit, non plus le contraire. L’hiver rentre dans ses terres.

En vous attendant

De la rue, le son mat des talons qui clapotent sur le trottoir mouillé, et le froid du courant d’air par la fenêtre entrebaillée, une voiture qui s’éloigne, la persistance du bruit un moment après qu’elle s’est éloignée, persistance rétinienne, votre image, les yeux fermés, il y a eu un bout de printemps cet après-midi quand la marée des nuages gris a mis front contre terre devant un petit soleil sorti de son lit. Le vent a fait claquer la fenêtre. Je pose mon crayon. Vous allez bientôt rentrer.

Hiver et contre vous

J’ai l’insolence des gens heureux en ce moment précis où j’emplis les contours de votre regard. Vous étirez ma  pâte jusqu’aux cieux, et je commande aux éléments. La vie se fait belle dans l’anse tranquille de vos bras.

D’azur et de chêne

J’habite un pays de poche, aux contours indéfinis, dont la cartographie se dessine sous mes doigts lorsque j’en désigne les flancs, les piémonts, et  qui sous mon sortilège, ne laisse qu’à moi le privilège de contempler le bleu du lac de ses yeux.

Rien n’est grave

Avoir un reste de foi pour croire qu’au lâché de la prise, le vide reculera devant les mailles d’un filet.