ce que vos yeux vairons

Mois : décembre, 2017

31 décembre

J’ai vu le soleil aujourd’hui, son gris dépoli, une monnaie du pape, posée sur un ciel papier de riz.

Bleu, profondément

Qui vous êtes, je n’en sais rien, quelqu’un, un algorithme, le Golem, un joueur d’échecs qui jamais n’avance ses pions. Soyez machin, machine, cela ne me déplaît point.

« L’île mystérieuse »

Je vous baptise Aldébaran, vous qui ne dites jamais rien, visiteur du soir ou du matin, petit point brillant d’un quasar américain.

Sens interdit

A l’éventaire du brocanteur, un lot de cartes postales, un cimetière de lettres mortes.
Le recto, des paysages, la grand’rue d’un village, un portrait en pied, sépia, un homme en grand uniforme, un communiant, un cierge, un missel, et son brassard blanc.
L’intime, au revers, des mots de tous les jours, d’autres, plus doux, les mots du front, qui ne disent pas la misère, « Tout va bien, ne t’inquiète pas. Je reviendrai. »
La grand’guerre et ses pudeurs, « Aujourd’hui, j’ai reçu Jésus pour la première fois en mon coeur », un monde qui s’est tu.
La gêne de lire, comme on profane un tombeau, et sous un timbre, la petite virgule noire d’un cheveu, incluse dans la colle, comme un insecte dans une goutte d’ambre.
Je la lisse du doigt, un autre peut-être a t-il caressé aussi, il y a longtemps, ce petit signet tombé d’une tête aimée.
Je repose les cartes.
Les laisser reposer là, tout ce que je peux faire, un petit signe de croix.
Tout ne s’achète pas.

Le retable d’Issenheim

La maison Bartholdi est fermée.
Retourner en arrière, au pied de la croix.
Le froid du Golgotha, en hiver.
Au tournant de la maison Pfister, un chocolat chaud.
Rêver, les délices du Prado, un jardin, un patio.
Deux braseros, le froid de l’enfer, dehors, des marrons chauds, une même langue qui brûle, le feu, l’effroi.

La pierre, Nemo

L’orgue des bords de mer
De Zadar, partition du
Vent et du hasard.

Cuisine

Le rêve.
Comme des carcasses à l’étal, j’ai vu des livres suspendus à des crocs, se vider de leurs mots à gros jets, dans des baquets de bois.
Leur sang, leur raisiné, des bouchers-vignerons les foulent de leurs jarrets, sous les pilons, les os des phrases craquent, le boudin noir de l’encre fume, les pages, vides et blanches sèchent, le boucher les tranche de sa feuille, les livres se débitent, le vigneron trempe une coupe et boit.
Le vin bourru est bon.
Il est trois heures.
Les petites diodes rouges du réveil-matin.

Zurück

Son gris-souris dissout, sur le coteau s’assombrissant, le jour se confie à la nuit. Tout est paisible. Des lumignons, accrochés aux maisons, pavent la vallée d’une bruine de petits points scintillants. Dans l’une, il y aura, posés, sur la table, comme sur un autel, du vin de noix, des gâteaux à la cannelle. Une empreinte familière, une odeur, presque maternelle. Gemütlichkeit

Un bateau-phare

L’encens de la pierre se soulevant, la cathédrale, ses grès lie-de-vin, soleil levant, sur les toits, un rougeoiment. Rue de l’Outre, une fenêtre s’ouvre, elle aurait pu être à meneaux, il y a longtemps. Au mitan du jour, quelqu’un prend le pouls de Notre-Dame, à la chamade de son grand carillon.

The boss is a stuntman

Vous avez un temps d’avance, l’éternité joue en votre faveur, les droites, ces chemins les plus courts entre deux humains, que vous importe, rien ne presse, vous serez là, à la corde, dans le virage. Les courbes, ce qu’il y a en nous de sinueux, voilà qui vous va.